Créer sa boite au Maroc : une bonne idée ?

Créer son entreprise en France, ce n’est pas très compliqué : cela peut se faire en 24h, entre l’annonce légale, le blocage du capital et le dépôt des formulaires au greffe de la Chambre de Commerce. Par contre au Maroc… il m’aura fallu 1 mois (en 2009) ! Le Maroc offre beaucoup de possibilités pour les entrepreneurs, mais côté administratif… quel bordel !

Le Maroc a copié la France sur la Loi sur les S.A.R.L. Du coup, un entrepreneur français n’est pas complètement perdu. Du moins, au début…

Faire une demande de certificat négatif

Première bizarrerie marocaine : obtenir un certificat négatif. Il s’agit d’une formalité administrative à réaliser auprès du Centre Régional d’Investissement, qui consiste à valider que votre nom d’entreprise n’est pas déjà réservé par une autre entreprise. Mais cette 1ère étape me semble à la fois complètement archaïque et totalement dénuée de sens :

1. En France, des sites web comme societe.com permettent de chercher gratuitement des entreprises par nom. Pas besoin de payer une personne 200Dh – env. 18€ – et attendre 1 journée entière pour obtenir cette information !
2. Mais en fait, qu’est ce que ça change de savoir qu’une dénomination juridique est déjà utilisée ? Environ 100 entreprises en France comportent le mot « Couscous » dans leur dénomination : ça ne les a pas empêché de s’enregistrer ! D’autant que dans la plupart des cas, leur zone de chalandise diffère, ou alors elles exploitent une marque commerciale différente.
3. La base des marques de l’INPI en France est également publique et permet de valider qu’une marque est disponible ou non par secteur d’activité. Au Maroc, il existe aussi un organisme de dépôt et de protection des marques : l’OMPIC. Alors, quel besoin de vérifier auprès de la Wilayah qu’une dénomination juridique est déjà occupée ?…

En France, cette étape est effectuée par la Chambre de Commerce, lors de la réception du dossier. C’est centralisé, donc plus simple et plus rapide !

Légaliser ses documents, obligation marocaine

En France, on ne légalise quasiment jamais sa signature sur ses documents, sauf dans certains cas spécifiques. Au Maroc, c’est une institution ! Toutes les pages de tous les documents de votre entreprise en création qui contiennent signatures et paraphes doivent être systématiquement légalisés. Imaginez un peu la galère lorsque vous devez légaliser plusieurs exemplaires de statuts d’entreprise, contenant plusieurs pages…

Le Maroc, Roi du tampon

Au risque de passer pour le français pédant et condescendant, j’avoue m’être systématiquement moqué du comportement du personnel administratif marocain, notamment, pour leur rapport avec leurs tampons ! Le tampon, c’est « THE » outil de l’homme moustachu marocain qui affirme sa virilité en faisant le geste le plus ample, accompagné du bruit le plus puissant au moment où il assène d’un coup magnifique vos feuilles fragiles de son tampon magique. Le tampon doit forcément représenter un truc particulier qui a dû m’échapper, car tous les Marrakchis et Tangérois qui m’ont validé des documents administratifs se sentaient pousser des ailes à ce moment précis.

Le Maroc, Roi des grèves improbables

Ce rapport au tampon prend encore une dimension encore plus grande avec une anecdote vécue lors de mes premières démarches : l’homme préposé au tampon au CRI de Tanger était physiquement là… mais faisait grève ce jour-là. Du coup, pas de coup de tampon aujourd’hui. Il lisait son journal, tranquille, derrière son comptoir toute la journée. Magnifique…

On pourrait croire qu’il attendait un backchich. Mais sa grève était bien réelle, confirmée par ses collègues préposés à d’autres tâches (!). Et d’autres entrepreneurs comme moi attendaient ce jour-là. Pris de court, nous sommes sortis ensemble pour nous diriger à quelques rues de là vers un autre bâtiment dédié à la légalisation de documents, et obtenir nos coups de tampons. Ouf ! :)

Le Maroc, Roi de l’informatique invisible

A chaque légalisation de document, on vous demander de signer un registre. Vous avez déjà vu un registre marocain ? C’est un genre de livre géant tout droit sorti d’un film de Harry Potter, avec quelque chose comme 10.000 pages et au format A3. Et là, page 4.092, on vous demande de signer la case – ligne 27 – colonne 3 – … Je souhaite bonne chance aux enquêteurs marocains, le jour où ils vont essayer de remonter dans l’historique de vos activités !

Les frais marocains, plus élevés qu’en France ?

Un expatrié français s’attend logiquement à ce que les coûts de création au Maroc soient moins élevés qu’en France. Mais les désorganisations à répétition et l’ensemble des lourdeurs administratives ne jouent pas en faveur du Pays du Couchant.

Un rapide calcul s’impose !

Prenons le cas d’une entreprise de type S.A.S. au capital de 5.000€, entièrement libérés en numéraire. Admettons que ses statuts fassent 10 pages, et qu’aucun pacte d’associé complémentaire ne soit prévu :

Tout comme la Suisse et d’autres pays européens, le Maroc ne permet pas la création de S.A.S. sur son territoire. Prenons donc le cas d’une entreprise au statut + classique S.A.R.L. et au capital identique de 5.000€, soit environ 55.000 Dirhams.

Surprise : les frais de création au Maroc sont donc quasiment 50% plus élevés par rapport à ceux pratiqués en France. Les lourdeurs administratives vous offrent en plus le temps d’attendre… que de cadeaux ! :)

Il n’y a pas que les démarches administratives qui sont lourdes au Maroc : les prestataires privés ne sont pas mieux. En ligne de mire : Maroc Télécom. Ceux-là n’ont jamais entendu parler de la relation client… et feraient mieux d’aller consulter l’excellent Thierry Spencer ! Bref, 4 ans passés à Tanger, ça laisse des traces. Affaire à suivre dans les prochains articles ;-)